Saine Gestion, mythe et réalité
Je vous propose aujourd’hui quelques réponses aux questions qui nous sont régulièrement posées, pour d’une part, expliquer et positionner le concept Saine Gestion dans l’échiquier du management au Québec et au Canada et de plus en plus sur le plan international, et d’autre part, préciser la portée du rôle que pourrait avoir l’ISG sur la profession de gestionnaire au Canada.
L’échiquier du management au Canada
Au tournant des années 2000, les données de Statistique Canada rapportaient que 14,7% de toutes les activités professionnelles au Canada répondaient à la définition de gestionnaire. Cette définition incluait les administrateurs et cadres supérieurs, les directeurs, gérants, et autres personnes assimilées à ces tâches. Cela représentait alors 1 667 300 gestionnaires. Aujourd’hui de façon conservatrice, il est possible d’estimer qu’au Québec il y aurait 350 000 gestionnaires, dirigeants et leaders susceptibles de poser des actes administratifs tels que définis par l’OAAQ.
1.2 (7) «Acte administratif» : Manifestation de la volonté d’un administrateur d’utiliser les moyens requis pour atteindre un objectif par tout fait, geste, action, inaction ou parole exprimant une décision de planifier, d’organiser, de diriger, de contrôler ou de réviser les activités d’une organisation.
Nonobstant leurs compétences académiques et personnelles, ces milliers de gestionnaires n’ont peu ou pas de référentiel professionnel pour démontrer leur intégrité et une Saine Gestion des ressources confiées. Au Québec, l’OAAQ encadre environ 2 000 des 350 000 professionnels de la gestion qui agissent à titre d’administrateurs, de gestionnaires ou de dirigeants. L’OAAQ défini l’administrateur de la façon suivante :
1.2 (2) «Administrateur» : Personne physique qui, de par la nature de ses fonctions, pose des actes administratifs compte tenu des ressources et des pouvoirs décisionnels qui lui sont confiés en vue d’atteindre les objectifs spécifiés dans un environnement donné. Sont compris le gestionnaire, le manager, le dirigeant, le directeur, l’officier, le cadre et le gérant. (Personne comprise au sens des art. 321, 1229, 2213, 2236, 2270 C.c.Q.; art. 102 L.C.S.A.; art. 83, 123.72, 123.83 L.C.Q.; et art. 80 et suiv. L. coop.) (05-05-2002)
L’Institut de Saine Gestion est un organisme à but non lucratif, dont la mission est de promouvoir auprès du public en général et de tous les gestionnaires au Canada ou à l’étranger et de diffuser à travers son site Internet, ses billets, ses articles et ses formations, le concept, le modèle et les outils pratiques pour assurer une Saine Gestion. Il importe de préciser que l’ISG n’est relié d’aucune façon à l’OAAQ.
Qu’entend-on par « Saine Gestion » ?
« Saine Gestion » est d’abord un concept qui permet de bien cerner les actes posés par les professionnels de la gestion. Ce concept est une forme de rapprochement entre le droit et la société, c’est-à-dire la réalité du terrain que rencontrent les professionnels de la gestion.
Parce que la gestion est quelque chose de complexe, qui fait appel à la compétence faisant ressortir certains aspects de la nature humaine, l’interprétation de l’acte administratif doit être placée à la fois dans un contexte juridique et aussi dans un contexte managérial.
C‘est ainsi que Saine Gestion trouve ses racines dans l’esprit des lois des sociétés de droit, mais aussi dans les valeurs éthiques qui doivent inspirer les relations entre le mandant, c’est-à-dire celui qui confère le pouvoir et confie les ressources et celui qui reçoit le pouvoir d’exécution et la responsabilité des ressources, soit le mandataire. En matière de Saine Gestion, nous considérons donc le gestionnaire professionnel comme un fiduciaire des ressources qui lui sont confiées.
Origine du concept
Au début des années 1990, Bernard Brault F.Adm.A, FCMC a développé avec une équipe multidisciplinaire (1) de haut niveau les 6 principes fondamentaux et des normes qui allaient s’articuler dans un concept qui est devenu au fil des années le modèle de Saine Gestion.
Mandaté par l’Ordre professionnel des administrateurs agréés du Québec à titre de président du comité du développement de la pratique pendant plus de 17 ans, il sera directement impliqué dans la rédaction d’environ 320 principes, normes, définitions et recommandations, qui seront colligés en 7 chapitres. Ces règles auxiliaires de juri‑administration, un peu comme en comptabilité, existent pour exprimer l’obligation de Saine Gestion.
Ces normes professionnelles furent évidemment développées selon le modèle matriciel dit « à éléments finis » qui permettait d’assurer un aspect d’intégralité du domaine de la gestion. Les règles de l’art de la gestion pouvaient désormais être auditées et une opinion indépendante de conformité pouvait être émise. Le concept de Saine Gestion et les Principes de Saine Gestion Généralement Reconnus (PSGGR) avaient évidemment pour objectif principal l’encadrement d’une profession, celle des Adm.A.
Mission de l’Institut de Saine Gestion
Comme ces règles et ce modèle de Saine Gestion peuvent s’appliquer de façon presque universelle à toute forme d’activité managériale publique ou privée, c’est à ce titre qu’intervient l’Institut de Saine Gestion (ISG).
Approche matricielle à éléments finis
L’ISG désire faire connaître la puissance et l’autorité professionnelle que confèrent le concept et la matrice de Saine Gestion. Son caractère anticorruption n’est pas négligeable non plus. Saine Gestion s’articule dans un modèle matriciel qui met en relation les 6 principes de Saine Gestion, avec les fonctions de gestion classique. Cette matrice permet de concevoir le Cadre de Saine Gestion (CDSG) proposé par l’Institut de Saine Gestion (ISG).
Le CDSG délimite un environnement où s’exerce une gestion conforme aux concepts de Saine Gestion. Le CDSG propose au gestionnaire des actions à prendre pour se conformer aux PSGGR. Éminemment pratique et adaptable à chaque type d’organisation publique ou privée, le CDSG explique le QUOI faire et le COMMENT faire au quotidien.
L’approche à éléments finis permet un aspect de complétude à la gestion, c’est-à-dire une capacité de conclure et de terminer le processus décisionnel par des actions cohérentes, en limitant les échappatoires.
En terminant, rappelons que Saine Gestion est d’abord un concept qui trouve ses racines dans l’esprit des lois des sociétés de droit et dans la compréhension éthique d’une relation entre un mandataire et son mandant. Le caractère universel des valeurs de Saine Gestion est l’aspect qui permet d’éviter les écueils de l’éthique personnelle et de la morale.
Gilles Auger CA Adm.A CMC
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(1) Dans son livre Exercer la Saine Gestion, Bernard Brault fait référence à l’équipe de passionnés de la première heure : Me Jacques Ostiguy, Adm.A. et CMC, Michel Coutu, Adm.A., David Olésik, Ph. D. et Adm.A., et à ceux qui nous ont rejoints par la suite, Me Jean J. Bourret, Adm.A., et Jean Robillard, CA, Adm.A. et CMC. Il les remercie pour ces longues soirées de discussions et de travail passées dans les bureaux de l’OAAQ entre 1990 et 1995. Monsieur Brault fait aussi mention aux efforts de Richard Gagnon, F.Adm.A., directeur général et vice-président exécutif de l’OAAQ de 1990 à 1996, et Gabriel Savard, F.Adm.A. FCMC et président de l’OAAQ de 1986 à 1991, qui ont travaillé contre vents et marées, entre l’incontournable diplomatie et le courage de la conviction.
11 commentaires
Excellent explications sur le Saine Gestion… Clair comme le crystal… Un des meilleurs blog de ce site!!! Il faut vite traduire!
Sandra
Senior Manager
C’est un article qui rend à César ce qui revient à César! Bravo à Mr. Gilles!
Heinrich Ferhardt
Vous dites que « presque universelle « , pourquoi ne pas « complètement universelle »? Gestion saine et rationnelle comme vous le proposez ça sonne vraiment bien. Dommage, il est seulement utilisé au Canada.
Tim
Googgle give interesting translation explanation for sound management. When english copy online because we are very interested here in Russia.
Igor
Bonjour, moi aussi, je suis d’accord avec les autres visiteurs, ce blog est vraiment le plus instructif jusqu’à maintenant sur http://www.sainegestion.org. C’est presque comme des notes de cours. Félicitations à Mr. Auger pour cette excellente vulgarisation.
Salutations du Liban,
Michel
Saine Gestion… Est-ce un concept québécois ? J’ai fait les HEC, mais je n’ai jamais entendu l’expression consacrée de cette manière. J’ai exploré votre site, mais je ne suis pas certain de comprendre comment en gérant à vos préceptes, on ne doive pas pour autant renoncer à faire des profits. Faire des profits, n’est-ce pas là justement le premier geste « malsain » qu’on fait sur les dos des autres, comme si on les volait impunément ?
Romulus
Mr Romulus,
En bref Saine Gestion s’articule autour de la mission de l’organisation. On y ajoute la question éthique du mandataire dans sa relation avec le mandant. Saine Gestion n’est ni de gauche ni de droite ! Au milieu des années 1990 plusieurs professeurs (chargés de cours) prenaient l’initiative d’en faire la présentation. Disons qu’un changement de garde a fait oublier le concept. De là, notre rôle maintenant. Il faut lire l’article de Gilles Auger http://www.sainegestion.org/archives/1812.
Monsieur Auger,
Au travers de votre site et des différents blogues, vous soutenez que la Saine Gestion n’est pas incompatible avec les sociétés à but lucratif. Or, à part votre principe d’efficience qui, par extension nous rappelle la notion d’économie des moyens, je ne vois pas aucune référence à la notion de bénéfice, de rentabilité ou même de profit. Je ne pense pas que de clamer être efficient saura satisfaire les conseils d’administration des grandes sociétés. Ne vous manque-t-il pas alors un principe de rentabilité?
Jacques
Bonjour Jacques,
Merci de votre commentaire, il est des plus pertinent. Dans le modèle de Saine Gestion, la notion de rentabilité n’est définitivement pas exclue. Néanmoins, nous considérons qu’elle n’est pas un principe en lui-même mais plutôt une résultante de l’application homéostatique des principes fondamentaux de saine gestion en conjonction avec les cinq fonctions de gestion. Nous voyons le respect des principes et normes de saine gestion comme un pré-requis à la viabilité économique de toute organisation et particulièrement dans le cas d’une société à but lucratif, cette viabilité passe entre autres et de manière incontournable par faire des profits.
Gilles Auger, CA Adm.A CMC
Bonjour Alejandra,
Malheureusement c’est ni l’un ni l’autre et bien que le modèle proposé soit supporté par un ordre professionnel il n’a pas fait l’objet d’une réglementation de la part de nos législateurs. Cependant, de plus en plus d’avocats s’en inspirent devant les tribunaux pour démontrer une mauvaise gestion c’est-à-dire une gestion non conforme aux principes et normes de Saine Gestion prônés par l’Ordre des administrateurs agréés du Québec.
Gilles Auger CA Adm.A CMC
Monsieur Auger,
Merci de votre réponse. Cependant, je dois vous avouer, je ne suis qu’à moitié satisfait. Pour moi, une organisation sans but lucratif se doit d’être efficiente. Mais une organisation à but lucratif, même une société d’État, se doit d’être plus qu’efficiente; elle doit afficher des profits. La notion de rentabilité est une des valeurs fondamentale qui soutient une organisation, pas seulement la résultante de quelques valeurs nobles. On se lance en affaires pour faire des profits, à moins bien sûr d’être Mère Thérèsa! À mon avis, si vous ajoutiez le principe de rentabilité en « homéostatique » avec vos autres principes (pour reprendre votre image), vous auriez une base de gouvernance solide et plus crédible auprès de gens d’affaires.
Jacques