Affaires, Saine Gestion et intégrité ?

Écrit par Bernard Brault le 08/04/2011

Une citation surprenante de Frank Stronach, fondateur et président démissionnaire de Magna International. (1)

Qui a dit que Saine Gestion n’était pas pour l’entreprise privée ? Saine Gestion veut dire sainement gérer, c’est-à-dire bien gérer, gérer en fonction de la mission de l’organisation et de ses enjeux. Saine Gestion veut aussi dire continuité et profit. En quoi Saine Gestion serait un frein au bon fonctionnement d’une entreprise privée ? En quoi Saine Gestion ne pourrait pas être au service des actionnaires et des investisseurs ? Outre le conflit d’intérêts et l’appétit abyssal de certains individus, quel administrateur de société ne pourrait pas connaître les bienfaits d’une organisation sainement gérée ? Qu’une matrice bien structurée rappelle aux gouvernants et gestionnaires la nécessité d’avoir des politiques internes conformes à la transparence, la continuité, l’efficience, l’équité, l’équilibre et l’abnégation ne peut être en contradiction avec la volonté de créer de la richesse. Avoir une organisation dont les rouages roulent dans l’huile, dont les conflits humains sont réduits au minimum, dont la rentabilité est au rendez-vous de l’exploitation, dont la reddition de comptes envers le conseil d’administration et les actionnaires est transparente, ne devraient pas être en contradiction avec le rôle de la gouvernance ! Pourquoi les administrateurs de société n’auraient pas intérêt à réviser la compétence des gestionnaires sur la base d’une Saine Gestion ?

À moins que….

Le journal Les Affaires plaçait à la page 5 de son numéro du 9 avril 2011 une citation de Frank Stronach, ex-président et fondateur de Magna International expliquant que cette réflexion était à la base de son retrait du monde des affaires.(2)

« Je pense que les autorités de réglementation ont pris des mesures excessives qui freinent les forces créatives du monde des affaires, notamment les gestionnaires innovants, les entrepreneurs et les innovateurs qui sont les moteurs de la création de richesses ».

Cette citation reflète clairement ce que plusieurs pensent en silence. Dans le monde de la finance et des affaires, il y a une omerta chronique qui semble vouloir associer trop facilement certaines valeurs éthiques à un barrage pour la création de la richesse. Richesse de qui ? Dans les composantes de la matrice de Saine Gestion, les principes fondamentaux véhiculent, entre autres, des valeurs éthiques qui apparaissent parfois comme un frein à l’intarissable appétit des entrepreneurs devenu puissant et riche.

Peut-on créer de la richesse pour soi ou pour ses commettants sans perdre son intégrité ? Doit-on tout déréglementer et limiter le rôle des entreprises à un strict générateur de richesses pour certains joueurs boursiers? Doit-on au nom d’un pseudo principe de liberté favoriser certains entrepreneurs, (disons plus honnêtes), pour laisser le champ libre à des prédateurs du type Vincent Lacroix.

Mieux vaut être riche et puissant que pauvre et malade

Ces vieux paradigmes contribuent à donner à certains individus une certaine immunité. Ils suggèrent à certains administrateurs de sociétés publiques et privées et quelques gestionnaires psychopathes que la fin justifie les moyens ? Que tout le monde a son prix ? Créer de la richesse est indiscutablement le moteur d’une économie en santé et d’une classe moyenne financièrement à l’aise. Mais pas à n’importe quel prix. Encore moins à une époque où l’on commence à mettre en prison des entrepreneurs trop innovants, il faut enterrer ces stigmates du capitalisme sauvage et considérer cette époque révolue.

Qui oserait aujourd’hui faire l’apologie des pratiques douteuses, du harcèlement psychologique, des moyens déloyaux à la limite légale de la fraude, du camouflage et des évasions fiscales, de la manipulation des conseils d’administration et du non-respect des petits actionnaires, d’échanges d’enveloppes brunes, des trafics d’influence et des manipulations des données comptables !

Évidemment tous les freins imaginaires, appréhendés ou réels qui limitent ou encadrent l’appétit féroce et l’avidité des entrepreneurs qui ont profité du laxisme politique ou financier de la période après la Seconde Guerre mondiale seront toujours subtilement vilipendés. Il s’agit de repenser au cafouillage de l’affaire Vincent Lacroix, pour justifier et réclamer encore un plus grand encadrement de la finance et de la gestion.

Sinon comment interpréter cette tirade dévastatrice ? Quel message est ainsi passé à tous ces prédateurs sans foi ni loi qui cherchent par n’importe quel moyen à satisfaire leur intérêt personnel, bien plus qu’à faire de la création de richesse ?

Mesdames et messieurs les journalistes, parlez-nous des entrepreneurs qui ont acquis de la richesse grâce à une Saine Gestion. Il y en a !

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(1) Magna International Inc. ( TSX : MG ), fondé en 1954, est fabricant et distributeur de pièces automobiles basé à Aurora, Ontario, Canada. Son fondateur Frank Stronach est né le 6 septembre 1932 en Autriche. Magna est l’une des plus grandes entreprises du pays. Elle possède, entre autres, la Magna Steyr, société de production automobile de l’Autriche. Magna fabrique également des pièces automobiles qui sont principalement fournies à GM, Ford Motor Company et Chrysler Group LLC. En plus des 3 grands constructeurs automobiles américains, les principaux clients de Magna sont essentiellement Volkswagen , BMW et Toyota . En Europe, Magna Steyr est titulaire des contrats pour l’assemblage de la Peugeot RCZ , Aston Martin Rapide et MINI Countryman. Magna compte environ 96 000 employés dans 256 opérations de fabrication et 82 de développement de produits, d’ingénierie et de centres de vente dans 26 pays.

(2) (Sources : Les Affaires.com): Les actionnaires de Magna International ont approuvé un plan controversé accordant à son fondateur Frank Stronach environ un milliard de dollars en espèces, actions et autres incitatifs afin que sa famille renonce à son contrôle décisionnel au sein de l’entreprise. (….) Ce plan avait été contesté par des gestionnaires de fonds de pension du pays, qui n’avaient cependant pas assez d’actions pour bloquer la transaction. L’accord va maintenant aboutir en Cour supérieure de l’Ontario pour approbation, mais l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada est déterminé à s’y opposer. En échange, les Stronach renonceront à leurs actions à votes multiples qui leur assuraient le contrôle de la compagnie. (….) Frank Stronach et sa fille Belinda, qui fut députée libérale, étaient absents lors de l’assemblée. (Les affaires.com)


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