Certifier la gestion d’une organisation, «Tribouille marteau, bonsoir lutin»
Bricolage de dernières minutes pour donner bonne presse, mais attention!
Donner une opinion sur la gestion d’une organisation n’est pas une mince affaire. Cependant, le diagnostic organisationnel n’est pas nouveau, le travail relève en général d’une forme d’art intangible où la méthodologie peut avoir parfois les allures d’un discours ampoulé pour ne pas dire alambiqué. Dans tous les cas, le nombre de pages des réserves, (c’est-à-dire la déclaration de non-responsabilité) sera proportionnel au niveau de risque du signataire. Ne soyez pas surpris. Autrement dit, la portée de ce type d’opinion ne dépasse pas la largeur de la tablette où sera rangé le document. À moins que les médias …..
Instaurer un sceau anticorruption avec les mêmes vieux paradigmes est, à notre avis, un risque énorme pour celui qui émettra une telle opinion. Nous lui conseillons de vérifier sa police d’assurance professionnelle ou de ne pas signer.
La gouvernance et l’éthique ne font pas facilement et naturellement bon ménage. Encore moins si l’éthique des gouvernants fait l’objet d’un examen et d’une certification quelconque!
En revanche, une obligation de Saine Gestion tiendra compte de la législation et accessoirement des valeurs éthiques véhiculées par les dirigeants, mais l’éthique ne se vérifie pas. Ce sont les actes administratifs ou leur absence qui peuvent faire l’objet d’un examen.
Vous croyez encore aux vertus thérapeutiques de l’éthique? Essayez de remplacer le code de la route ou la loi de l’impôt par un code d’éthique, juste pour rire!
Opinion de conformité
Pendant plus de 17 ans (1989-2006), j’ai dirigé une équipe multidisciplinaire à l’OAAQ dont le mandant était à l’origine : le développement des standards mesurables et vérifiables en management. Nous ne cherchions rien de moins qu’à encadrer la profession! De plus, il fallait introduire le mot éthique dans le traditionnel champ d’influence des old boys club! (horribilis causa). Juste le mot transparence donnait déjà des boutons à l’establishment des sciences du management. Nous n’avions pas encore parlé de Continuité, d’Efficience, d’Équilibre, d’Équité et d’Abnégation. En 1995, nous avons, contre toute logique d’affaires, développé une méthodologie permettant d’émettre une opinion de conformité aux PSGGR.
Conseil aux praticiens qui veulent réinventer la roue
Il y a trois problèmes majeurs à résoudre avant de pouvoir prétendre accorder une telle garantie, parce que c’est de cela qu’il s’agit; une garantie contre la mauvaise gestion, et par extension une diminution des risques de malversation et de corruption. Il s’agit 1) du fondement référentiel, 2) de la forme et de la portée de l’opinion et finalement 3) de la rigueur méthodologique.
1) Le problème du fondement référentiel
Le problème est contextuel, qu’est-ce qui constitue une gestion saine par rapport à une mauvaise gestion? Copier les meilleures pratiques des compétiteurs, c’est apprendre à répéter comme un perroquet. Suivre le courant est plus simple que d’aller à contre-courant. Innover en gestion dérange les pratiques établies.
Une réflexion doit être faite sur la nature de l’obligation du gestionnaire. Les principes et valeurs sont relatifs au poste de confiance, c’est-à-dire de fiduciaire ou de mandataire. La gouvernance est au service de ses mandants! Par exemple, elle a l’obligation de rendre compte avec Transparence à ses mandants.
Ah! J’allais oublier. Dans la foulée de cette recherche du bien et du mal, il y aura aussi les avocats, ces « maîtres » qui vous rappelleront les vertus de notre système de droit et de la règle minimale, celle que vous ne pourrez transgresser sans risque d’un séjour à l’ombre. Cette règle, l’ex-ministre Tony Tomassi ne l’a pas vue venir. Mais pour le reste, bienvenu au bancal festin!
2) Le problème de la forme et de la portée de l’opinion.
Complaisance ou véritable examen ? Où commenceront l’examen ou l’audit et jusqu’où iront-ils? Qu’est que l’on veut vraiment vérifier? Quelques pratiques managériales les plus à risque au moment de l’audit? Quelle est la portée de l’opinion sur le management ou sur le cadre de gestion? Comment une certification peut alors prévenir les malversations si nous ne sommes pas sûrs d’avoir tenu tous les éléments importants en compte? Vous connaissez l’adage : « c’est le maillon le plus faible de la chaîne qui la fera casser ».
L’Auditeur est mieux d’avoir une méthodologie intégrée sinon il devra avoir des nerfs d’acier! Quelques conseils aux praticiens :
- Une certification de bonne gouvernance d’une organisation devrait porter sur le cadre de gestion, et non sur les individus, parce que les individus passeront mais le cadre pourrait avoir une continuité s’il est bien instauré dans l’organisation.
- Ensuite, une certification devrait porter sur tous les éléments du management et de la gouvernance incluant la capacité de l’organisation de s’autocontrôler, de façon à limiter les sources de corruption et d’irrégularité ou de laxisme managérial.
- Finalement, une certification découle d’une opinion professionnelle. Qui dit opinion dira jugement. Qui dit certification dira risque, risque de se tromper dans son jugement.
3) Le problème de la rigueur méthodologique
Nous conviendrons alors que la valeur de cette opinion est directement liée à la méthodologie et surtout à la rigueur de l’analyse des éléments de faits portés à l’attention du praticien. En fait, le praticien peut aller au hasard ou se structurer à partir d’une série de questions basées sur son expérience ou sur des méthodes plus ou moins standardisées pour porter son opinion.
Dans ce cas, la réputation, le prestige du praticien, son flair et sa sensibilité à découvrir des éléments jugés à risque par rapport aux bonnes pratiques de gestion d’organisme semblable seront déterminants dans la qualité et l’objectivité de l’opinion.
Mais quel est le véritable intérêt d’un tel sceau?
- Premier précepte : Uniformité de la méthode et du référentiel utilisé pour des résultats similaires, obtenus par différents experts
La vérification comptable, c’est-à-dire l’analyse et la certification des résultats comptables, a un noyau théorique : l’identité fondamentale et la double écriture « débit et crédit ». C’est factuel, vérifiable, objectif et mathématique. La vérification est réglée en conséquence. Plusieurs vérificateurs différents devraient arriver neuf fois sur dix à des résultats similaires.
CERTIFICATION et opinion de conformité en Saine Gestion
C’est pourtant ce que nous avons réussi à faire! Pour les puristes et critiques de nature sceptique, il est évident que je ne pourrai pas en quelques lignes faire la démonstration de la valeur méthodologique de l’approche matricielle de Saine Gestion pour fins de certification anticorruption. Après quatre éditions d’Exercer la Saine Gestion, de l’ouvrage Le cadre de Saine Gestion, un modèle de gouvernance intégré et plus de 85 articles et billets, je vous invite à lire davantage sur le sujet.
En résumé, nous avons rédigé en 1990 ce qui est convenu d’appeler maintenant les PSGGR (Principes de Saine Gestion généralement reconnus). Nous avions enfin un référentiel de normes indépendant du praticien (OAAQ).
C’est en cherchant à obtenir un modèle stable et réutilisable qui assure l’aspect intégré d’un véritable examen de la gestion que nous avons placé sur un tableur, appelé Lotus à l’époque, les fonctions de gestion traditionnelles : planifier organiser, diriger, contrôler et coordonner avec les six principes fondamentaux. Nous avons alors démontré que ce modèle, bien qu’expansible, représentait une approche à élément fini, c’est-à-dire à quel endroit commencent la gestion et sa responsabilité et à quel endroit elles se terminent. Nous pouvions maintenant tout évaluer en conformité ou en dérogation des PSGGR. Simple et binaire comme « conforme ou non-conforme » mais complexe et paradoxal selon l’importance relative de la dérogation sur la mission de l’organisation. Et ce modèle nous apporta bien d’autres avantages.
- D’abord, il sera possible de donner une opinion de certification en conservant une distance professionnelle grâce aux PSGGR de l’OAAQ.
- Ensuite, en examinant les éléments factuels de l’organisation pour chacune des 41 cases, nous avions aussi un programme de vérification disponible et réutilisable.
- Finalement, en suivant la méthode, nous étions assurés de ne rien oublier, dans la mesure où l’organisation acceptait d’être transparente.
Mais encore, grâce à la méthode de corroboration qu’offre l’approche matricielle, il était possible de déceler les petits cachotiers tapis dans leur petite magouille interne.
Alors, d’un simple gadget autogratifiant pour la profession, nous sommes devenus dangereux. Au moyen de ce cadre et du référentiel des PSGGR, nous pouvions développer une véritable méthodologie d’audit et éventuellement offrir une forme de certification au même titre que les certifications comptables pour les résultats financiers.
Et nous avions inventé une pilule mais il n’y avait pas de maladie, qu’ils disaient!
À suivre …..
En cas de demande générale, je pourrais vous donner des exemples d’application, comme dans l’affaire Tomasso, si nous en savons plus à ce sujet la semaine prochaine. Entre-temps il y a l’affaire Norbourg qui a été analysée par le biais d’un Audit de Saine Gestion® simulé, que vous pouvez trouver sur ce site.
1 commentaire
Cher M. Brault,
Il n’est pas étonnant que vous soyez devenu « dangereux ». Le mot même de Saine Gestion suffit d’effrayer la plupart des dirigeants d’entreprise au Québec et, j’en suis certaine, à travers le monde entier. Vu que de nos jours les cas de corruption ou malversation font la une quotidiennement, ce serait une marque d’honneur de la part des compagnies d’effectuer un audit de conformité aux normes et principes de Saine gestion. Toutefois, qui oserait, à votre avis, conduire ne fût ce qu’une évaluation interne de Saine Gestion quand on sait que ça peut faire sortir les squelettes du placard? Qui oserait crever l’abcès pour améliorer la santé de l’entreprise?
Camille Durand