SNC-LAVALIN : La descente aux enfers
Qui a bu, boira !
Les pots-de-vin ne sont plus offerts seulement à des dirigeants de pays exotiques lointains. Ce qui était la culture des autres est devenu notre culture d’affaires, les vraies affaires, les grosses et les sérieuses. Mauviettes et pudiques s’abstenir !
En octobre 2012 le quotidien La Presse révélait la présence d’un lien entre l’obtention du contrat de construction du CUSM (Centre universitaire de santé McGill) par le consortium formé de SNC et du groupe britannique Innisfree et une partie des 56 millions évaporés entre deux postes comptables de la société SNC-LAVALIN, soit une somme de 22 millions.
Le 29 novembre 2012, l’Unité permanente anticorruption (UPAC) arrêtait l’ex-président, M. Duhaime pour des gestes qu’il aurait commis à l’endroit du CUSM.
Après les premières révélations du scandale le 1er mars 2012, de l’expulsion de son président peu après, des révélations sur les pots-de-vin versés possiblement dans le cadre de la construction du CUSM, le navire amiral résistera-t-il encore à quelques torpilles avant de sombrer ? Il amènerait aussi avec lui les fonds de pension de plusieurs Canadiens.
Camouflage et malversation !
Selon Le Devoir du 28 novembre « une étude commandée par le conseil d’administration de SNC-Lavalin l’hiver dernier a révélé que deux contrats n’avaient pas été déclarés selon les règles internes et qu’en fait, ils avaient été attribués à des projets auxquels ils ne semblaient pas se rapporter. Pour un des deux contrats, M. Duhaime a autorisé des paiements après que des subalternes eurent refusé de le faire ».
C’était inévitable. On ne peut pas faire disparaître 56 millions sans qu’il en reste quelques traces. Le pot-de-vin, cette corruption devenue endémique dans nos sociétés, exige une complicité de plusieurs personnes dans une entreprise. D’abord au niveau stratégique, il faut un plan : sociétés offshores, facturation fictive, contrat bidon, transactions bancaires répétitives, appelons ça le stratagème.
Ensuite, au niveau organisationnel et administratif, il faut actualiser le plan : création de sociétés paravents, contrats légaux, camouflage comptable et audit comptable complaisant. J’ai expliqué dans un article précédent qu’à un certain moment, il faut sortir de l’illusion rocambolesque d’un film de James Bond, pour réaliser que les grandes manœuvres, légitimes ou non, laissent des traces. Une dépense est un poste débiteur, à laquelle une sortie de fonds équivalente est un poste créditeur. Désolé pour la théorie, mais cela veut dire qu’un président à lui seul ne peut pas sortir 56 millions en 10 ou 100 versements de commissions irrégulières, sans impliquer une série de stratagèmes complexes impliquant plusieurs personnes, voire des centaines. Et là, cela devient une question de management. Nous parlons alors de la responsabilité de l’acte administratif (1). Cet acte est au cœur de l’approche Saine Gestion.
Vérification comptable
Dans la mesure où maintenant nous savons que les grands de ce monde agissent encore ainsi malgré des audits financiers, il est peut-être révolu, voire obsolète de mandater, à grands frais, des firmes de vérification comptable. Non, bien sûr, me répondez-vous ! Parce qu’il y a tout de même un certain encadrement qui limite un peu les débordements transactionnels.
Et pourquoi ne pourrions-nous pas aussi auditer la gestion, vérifier et responsabiliser l’acte administratif ? Puisque chaque transaction implique un acte décisionnel, est-il possible de les relier à un acteur ? C’est l’approche que nous proposons.
Culture de gestion
Lorsqu’une société, par la voix de ses administrateurs, décide ou approuve un plan draconien pour obtenir des contrats majeurs nationaux ou internationaux, l’initiateur, le leader exige d’avoir les moyens adaptés à ses prétentions. Il arrive que la compétition soit aussi agressive, et que les enjeux dépassent le plan d’origine. Il en résulte une surenchère qui prend au piège tous les décideurs, incluant les membres du conseil d’administration. Qui arrêtera l’infernale machine ?
La leçon de management !
Non ! Il n’y en aura pas de leçon ! Personne ne veut de leçon de management. Qui sommes-nous, pauvres pions inféodés, pour donner une leçon à ceux qui savent si bien jouer au casino avec l’argent des autres ? La capitalisation de SNC-Lavalin est pourtant partie intégrante de la plupart des fonds de retraite. Rien de moins. La dérive de SNC-Lavalin causée par une éthique flottante et déroutante aura-t-elle un impact sur la plupart de nos retraites ? Même Jarislowski aurait une participation importante, voire majeure dans SNC-Lavalin. Normal, c’est un « blue chip ». Que dira « l’homme-qui-ne-se-trompe-jamais » et qui a fait fortune en ne jurant que par le choix de bons leaders ?