Budget 2011 du Québec : L’utopique taux de 62 % de dépenses est encore absent de moyens et de résultats !
Pour nos lecteurs étrangers, eh oui ! il y en a beaucoup, vous réaliserez sans doute que nous sommes tous confrontés au même problème budgétaire. Nous avons tous eu, collectivement, gauche ou droite, l’appétit plus grand que la panse.
Lors du budget de 2010, le gouvernement faisait passer une panoplie de hausses de taxes à retardement en promettant une contraction des dépenses de la machine de l’État à une hauteur de 62 % de l’effort collectif requis pour atteindre le déficit zéro en 2013-14.
L’ISG est d’avis que l’effort de contraction de la machine de l’État qui demeure encore l’élément majeur du budget de 2011 est une utopie dans le contexte actuel et traditionnel de la gestion gouvernementale.
Budget attendu, simplement un budget subsidiaire de celui de 2010
Les quelques nouvelles mesures importantes proposées cette année étaient incontournables. Le principe de Continuité rendait nécessaire le renflouement du Régime des rentes du Québec. Les droits de scolarité, sujet sensible, ont été tout de même ciblés mais l’ajustement modéré sera graduel.
Un budget ne fait jamais l’unanimité. Ce serait contre nature dans notre système démocratique. Après un baroud d’honneur, quelques manifestations symboliques, la plupart des nouvelles mesures s’installeront avec la satisfaction des universités qui avaient grand besoin de garder un enseignement compétitif et de qualité sur le plan canadien et international.
Pour la classe moyenne, le nouveau budget n’a pratiquement pas d’effet. Mais les mesures du budget de 2010 continueront à se déployer parallèlement et cette fois c’est la classe moyenne qui absorbera cette cascade de mesures à retardement. (Taxe de vente de 1 % de plus en 2012, contribution santé, etc.)
Le poids des taxes, déjà considérables, viendra alimenter encore plus les ressentiments d’iniquités.
Reporter un problème démentiel pour une prochaine campagne électorale
À moins que l’actuel gouvernement ait un lapin caché dans un chapeau de prestidigitateur, la tentation sera forte de couper dans les services et dans les programmes sociaux, ou de faire de plus en plus appel au secteur privé. Question de philosophie politique sur laquelle nous ne portons pas d’opinion.
Mais la contraction de la machine et des coûts de l’État représenterait une coupure au moins du tiers de la masse salariale de la fonction publique. N’en déplaise à nos élus provinciaux, la machine gouvernementale, plus précisément la bureaucratie, ne cédera pas.
N’y rêvez même pas ! Couper dans le gras à un niveau aussi démentiel ne pourra apporter qu’instabilité, grève, coupures de service, résistance administrative passive et active, démagogie et mise en otage des plus démunis. Encore une fois le bon peuple sera appelé à vider ses poches pour protéger le royaume.
Proposer une plus grande efficacité administrative
C’est un discours presque aussi utopique. Je dis presque, parce que pour y rêver il faudrait avoir quelque chose à proposer, un plan de gestion « S » (chut … je ne l’ai pas encore dit). Mais la gestion « S » provoque des allergies, vous le savez. L’opposition, a peut-être une idée en tête, mais la gauche n’a pas plus le monopole de la bonne gestion que la droite. À part la philosophie politique, ils sont tous aussi ahuris devant la machine gouvernementale.
De toutes les organisations créées par l’homme, tous systèmes politiques confondus, celle qui a la plus grande capacité de survie, ce qui est maintenant convenu d’appeler la résilience, est sans contredit la bureaucratie… gouvernementale, et même au détriment de sa mission. Cette bibitte a son propre langage de gestion, ces propres règles éthiques et est capable de se régénérer, d’augmenter ses effectifs décisionnels et surtout de faire face à n’importe quel pouvoir démocratique externe qui pourrait remettre en question sa continuité. Ajoutons un peu d’aide syndicale et politique et la machine devient complètement débridée, telle une centrale nucléaire hors contrôle.
La fonction publique est noble, mais la bureaucratie est le cancer qui menace l’État québécois.
Individuellement, je crois que les fonctionnaires sont des professionnels honnêtes qui, en général, ont à cœur de servir la population et d’accomplir leurs tâches. Le problème est lorsqu’ils œuvrent collectivement dans un système dans lequel ils ne voient ni les intrants ni la finalité de leurs tâches. Ils se perdent dans une machine infernale qu’ils ne maîtrisent plus eux-mêmes, où plus personne ne veut prendre de décisions et encore moins la responsabilité des dérapages et des erreurs qui entraînent parfois des conséquences fatales pour la santé de la population. Mot d’ordre : survivre jusqu’à sa pension dans l’infernale machine.
Pouvons-nous faire appel au côté noble de la fonction ?
Qui se fera HARA KIRI ? Cela prend beaucoup de courage pour reconnaître que l’unité administrative à laquelle nous appartenons a un rôle qui est devenu inutile ou superflu compte tenu du contexte socio-économique. Que le travail dans une fonction, dit de conseil interne, ne sert dans les faits qu’à remplir les tablettes pour une éventuelle consultation. Que le travail de coordination (par exemple des agences de Santé) est devenu nécessaire parce qu’à la base, le système de la santé est mal géré. Que certains départements n’ont que pour fonction d’étudier et de compiler des données sur la gestion du personnel et la satisfaction et qualité de vie des cadres. Dans le réseau de la Santé, certaines sources journalistiques avancent que la proportion du personnel administratif par rapport aux employés sur le terrain est maintenant de 1 pour 1. N’ayez aucune illusion, personne de l’extérieur du réseau n’aura jamais le dessus sur la logique de justification administrative et sur la puissance d’obstruction potentielle de la bureaucratie, fut-il un très honorable premier ministre ! D’ailleurs, il y a aussi un non-sens qu’un premier ministre soit moins bien payé que ses sous-ministres, sous-ministres adjoints et de la plupart des présidents des sociétés d’État.
Peut-on faire appel au sens professionnel des fonctionnaires de l’État et à leurs cadres et employés pour faire un ménage pour espérer une Saine Gestion. (Oui .. je l’ai dit)
La première étape serait qu’ils reconnaissent collectivement dans un grand acte d’humilité et d’abnégation les mille et un syndromes qui empoisonnent le travail, puis qu’ils acceptent d’eux-mêmes de procéder à une chirurgie sélective dans la machine infernale.
Évidemment avec des dirigeants syndicaux qui ont besoin eux-mêmes de faire le ménage dans la gestion de leur centrale syndicale, la perspective est sombre !
Mais à tout le moins, on peut rêver comme le dit Docteur Amir Khadir en étudiant médicalement les syndromes de la maladie autorésiliente de la bureaucratie.
Dans le ventre de la machine infernale : Visite de la tour de Babel
Cette visite ne vise pas la question salariale. Les fonctionnaires de l’État doivent être rémunérés en fonction de leurs responsabilités. Mais avec compétence et performance peut être ?
Comment peut-on imaginer, par exemple, qu’une décision puisse être prise dans le délai requis par six personnes de six niveaux d’autorité et de six champs de compétence différents, et qu’aucune action ne peut être entreprise sans l’évaluation, l’analyse de l’impact, le consentement, l’approbation, le contrôle de tout ce personnel alors que tous les décideurs sont au même grade administratif et qu’aucun n’a d’autorité finale sur les autres. Ajoutons un peu d’humaineries des gestionnaires, une langue administrative que personne ne comprend et une intervention politique et cela ressemblera franchement et bientôt à la tour de Babel. La bureaucratie survivra mais la tour tombera !
Liste des syndromes sans diagnostic
- Le syndrome du crédit périmé
- Le syndrome de l’absence de responsabilité personnelle
- Le syndrome de la rétention d’information pour garder le pouvoir
- Le syndrome du pouvoir discrétionnaire dans l’octroi de programmes subventionnaires
- Le syndrome du nombre de personne à charge dans une unité administrative pour déterminer le degré de responsabilité et l’échelle salariale
- Le syndrome de fragmentation décisionnelle entre plusieurs personnes de même niveau pour prendre une décision
- Le syndrome du dédoublement des rôles
- Le syndrome du piggyback qui consiste à créer un nouveau service pour contourner un problème d’application de programme (exemple la Santé)
- Le syndrome de l’immobilisme préretraite
- Le syndrome de la sécurité d’emploi
- Le syndrome de la réunionite aiguë
- Le syndrome de la décision à court terme pour l’obtention de bonus sans égard aux résultats
- Le syndrome du surcontrôle pour justifier son poste
- Le syndrome du sous contrôle par laxisme et mollesse caractérielle
- Le syndrome du bonus pour la fonction publique
- Le syndrome du développement et de l’application de programme absurde
- Le syndrome du développement des politiques administratives déjà existantes (réinvention de la roue en continu)
- Le syndrome du placotage de corridor
- Le syndrome de l’abus de pouvoir par programme
- Le syndrome de la corruption (oui ça arrive !)
- Le syndrome de la création de vocabulaires étanches et propres à chaque fonction bureaucratique
- Le syndrome de la création de règles et normes d’aménagement et de construction de locaux administratifs impossibles à comparer avec le privé.
- Le syndrome des principes comptables qui n’auraient aucune ressemblance avec les principes généralement reconnus par les professions comptables
- Le syndrome du conflit d’intérêts personnel entre la bonne chose à faire et le cadre normatif à respecter pour protéger sa job (DPJ par exemple)
- Le syndrome de contrôle par programme sans responsabilité des résultats
- Le syndrome de ne pas déranger et de rester dans le moule pour ne pas risquer de faire des vagues et perdre sa retraite prochaine
- Le syndrome de la fragmentation des services logistiques par rapport aux services de première ligne (Santé, ect.)
- Le syndrome de l’iniquité des tâches en santé (les infirmières par exemple par rapport aux penseurs de programme qui ne travaillent que de jour et cela pour 2 ou 3 fois le salaire de celles qui soignent les malades)
Équilibre budgétaire : mission impossible ?
La stratégie du gouvernement pour un retour à l’équilibre budgétaire repose maintenant presque entièrement sur la réduction de la machine de l’État, sans perdre les acquis sociaux.
Où se fera l’effort de la structure gouvernementale pour atteindre le mythique 62%?
Messieurs, honorables gouvernants de l’état Québécois, élus de l’assemblée nationale, et futurs politiciens, je crois que vous avez un problème !
3 commentaires
Se faire hara kiri : non !
Mais être un fonctionnaire officiellement payé 80% de son salaire à ne rien faire par un contribuable heureux de le payer ainsi : voilà qui serait plus séduisant !
En bref : la sécurité de l’emploi + des grandes vacances en attendant une réaffectation réellement utile chaque fois qu’un fonctionnaire et toute son équipe obtiennent des gains de productivité ou d’efficience dans leur mission de service public conduisant à la suppression de leur propre emploi.
Pour briser le cycle infernal de la bureaucratie, que diriez-vous de proposer cela au fonctionnaire comme gratification chaque fois qu’il a réussi à démontrer l’inutilité de son travail antérieur ou grâce à son implication efficace à son automatisation technologique ? Les projets d’informatisation des services publics arrêteraient peut-être d’échouer ou de déraper inmanquablement avec une telle offre alternative, non ?
Aurait-on ainsi un début de solution ? Ils seraient leur propre moteur interne de réforme de la bureaucratie inutile avec un intérêt réel à en briser la régénération perpétuelle.
Les italiens avaient bien créé les « cassa integrazione » à 80% du salaire pour parquer les gens au chomage technique le temps d’une restructuration chez Fiat par exemple. http://hussonet.free.fr/cassa.pdf
Les listes de rappels du Québec n’en sont pas si loin dans le privé syndiqué.
Les fonctionnaires ainsi « parqués » seraient alors les embauchés prioritaires (mais en respectant les souhaits de réorientation de chacun, sinon l’incitatif disparait en raison du risque de passer d’une belle tour de centre-ville à un CHSLD-hospices de vieux- de banlieue) vers les nouveaux besoins ou projets vraiment utiles.
Une des bases de la gestion des opérations moderne : mieux vaut ne pas utiliser une machine à 100% si sa capacité de production est supérieure à la demande du marché. Un contrôleur de gestion à l’ancienne croit qu’il la rentabilise alors qu’il force la construction d’entrepot de stockage et l’achat de matières premières qui alimenteront la poubelle dès obsolescence dudit stock ! N’est-ce pas la même chose actuellement avec les fonctionnaires : leur hiérarchie est toujours tentée de les pressurer à travailler même dans une direction contre-productive, juste pour éviter le mythe du fonctionnaire qui ne fait rien. Cela génère probablement bien plus de surcoûts que de productivité réelle… en plus de se traduire par une ambiance de travail exécrable et une estime de soi peu flatteuse.
La Saine Gestion semble une proposition intéressante. Cependant, après avoir passé quelques heures (!) à étudier votre site et lu vos présentations PowerPoint et autres articles, j’en arrive à la conclusion que ses desseins tirent leurs origines du mandat de tout ordre professionel: protéger le publique. Vous y avez ajouté une touche socialiste, ce qui lui donne une fibre humanitaire, et c’est très bien.
Cependant, est-ce que ce modèle répond, dans sa forme actuelle telle que proposée, aux besoins des sociétés à but lucratifs? Je ne m’étonne pas du succès dont vous semblez jouir aurprès des organismes sans but lucratif tels les centres de la petite enfance, mais je doute que la formule puisse attirer d’autres formes de sociétés, même celles cotées en bourse avec de lourds conseils d’administrations. Voyez-vous, les dirigeants de sociétés à but lucratif composent déjà tant bien que mal avec les lois et autres contraintes géopolitiques pour arriver à faire des profits. Ces sociétés ne se soucient pas de l’environnement, des régimes de pension ou même de leur ressources humaines parce qu’elles ont ça à coeur! Elles le font parce qu’on les y a oubligé!
Quant à l’adoption de votre système de Saine Gestion par l’État, il faudrait d’abord des changements profonds. L’état s’est écarté de son but premier et est devenu méchant envers les citoyens. Les gens qui le dirigent sont issus du peuple, pourtant ces même gens compliquent inutilement la vie des uns avec des lois contraignantes dans le but de soustirer des sous aux petites gens sous formes de permis, de taxes ou de contraventions, poursuivent farouchement d’autres pour des sommes parfois insignifiantes et vont jusqu’à saisir comptes de banques et autres avoirs essentiels laissant pour mort de pauvres contribuables en quelque peu retard dans leurs impôts (et pourtant, ils laisseront filer par la porte arrière les vrais bandits qui volent l’État et les autres petites gens). L’État doit retourner à son rôle de protection du citoyen, à son rôle de bon père de famille, à son rôle de soutien. L’État doit être géré comme une société sans but lucratif. L’État doit pourchasser ceux qui causent du mal aux citoyens tels que les ivrognes au volant, les voleurs ou les violeurs et soutenir les familles dans le besoin. Pourquoi envoyer en prison, même une fin de semaine, une mère monoparentale incapable de payer le retard dû à la bibliothèque alors que l’ivrogne qui a tué le mari de cette pauvre veuve court toujours? Lorsque le peuple en aura assez, se lèvera et brandira fourches, batons de hockey ou souris d’ordinateurs dans les airs et demandera ce changement, peut-être que là votre système de Saine Gestion trouvera sa place dans un nouvel État sain.
Voilà ma réflexion du dimanche. Bonne journée à vous et bon succès avec votre Saine Gestion.
Orad
Cher Monsieur Orad,
Votre propos est fort pertinent sur plusieurs points. Je vous remercie de prendre le temps de vous impliquer en exprimant votre opinion. Mon premier commentaire porte sur l’expression « socialistes » pour exprimer que le modèle tient compte de valeurs humanistes. Je suis un peu mal à l’aise avec une étiquette politico-sociale en lien avec la notion de Saine Gestion. Je m’interroge à savoir si l’humanisme est le monopole de l’approche gauchiste. J’ai déjà exprimé cette position dans un billet que je vous encourage à lire.
Mon second commentaire porte sur la difficulté de faire connaître au public l’intérêt pour une approche de Saine Gestion. En général, tout le monde est pour la vertu parce que Saine Gestion apparaît d’abord comme un modèle vertueux alors qu’il est un modèle assez technique. Facile à comprendre mais un peu plus complexe de l’appliquer sans maîtriser les outils, la notion de conformité et celle de l’importance relative des faits.
L’ISG est un organisme qui n’a pratiquement aucun moyen financier dont le seul objectif est de faire connaître cette approche structurée des règles de l’art de la profession de gestion. Notre principal espoir est que Saine Gestion apporte une dimension plus noble au débat public et à la profession de la gestion. Ce qui est curieux c’est que l’international s’y abreuve plus rapidement que nous, Québécois.
Il est vrai par ailleurs que les organismes et les entreprises qui sont dirigés par des femmes sont beaucoup plus enclins à s’investir dans un processus qui protège l’intégrité du management, de la personne humaine. Vivre dans le chaos, le risque et l’incertitude managériale est peut-être davantage un trait de caractère masculin. Je dis ça évidemment sous toutes réserves parce que je connais quelques organismes dirigés par des femmes qui sont de véritables tortionnaires, à la limite de les considérer comme les psychopathes organisationnels. Là-dessus les femmes ont rejoint les hommes.
Finalement, dans le cadre de ma profession de conseiller en gestion, nous avons procédé à divers autodiagnostics dans le domaine de l’entreprise privée. Je constate qu’en général les entrepreneurs ont tiré de l’approche Saine gestion les éléments qui étaient les plus favorables à leur organisation. Il est tout à fait évident que les éléments d’importances critiques ne sont pas les mêmes entre entreprises privées et les organismes et entreprises à caractère public.
Ce qui est fascinant par contre, c’est qu’il n’est pas nécessaire de démanteler la matrice de Saine Gestion pour que le Cadre s’implante aussi bien dans un CPE, dans une municipalité, dans une PME, que dans n’importe quelle grande entreprise privée. (??)