Vous avez dit « de la transparence » ?
Nous vivons à une époque où les possibilités de nous informer sont ahurissantes, mais plus personne ne détient le monopole de la vérité. Tout le monde régurgite littéralement des mots vides de sens. Pour mémoire, la transparence au sens de « voir » est même devenue absolument nécessaire en ce début de millénaire dans les « aéroports » !
Je vous propose plus bas quelques extraits de la section de mon livre Exercer la Saine Gestion, discutant du principe de Transparence. Je voudrais d’abord rappeler la définition que l’on retrouve au chapitre 2 du compendium de l’OAAQ.
Principe:
2.2 (1) «Transparence» : Qualité de ce qui laisse paraître la réalité tout entière, sans qu’elle ne soit altérée ou biaisée. Il n’est d’autre principe plus vertueux que la transparence de l’acte administratif par l’administrateur qui exerce un pouvoir au nom de celui de qui origine le pouvoir. Celui qui est investi d’un pouvoir doit rendre compte de ses actes à son auteur.
Il faut aussi retenir le paragraphe 2(3) qui stipule une LIMITE importante à l’application de la transparence.
Dans la mesure où le mandant le permet et qu’il n’en subit aucun préjudice, l’administrateur doit également agir de façon transparente envers les tiers ou les préposés pouvant être affectés par ses actes.
Lorsque j’ai écrit les premières lignes de la première édition du présent ouvrage en 1992, le mot « transparence » était à peu près inexistant dans la terminologie médiatique. Nous venions tout juste de terminer l’exercice de sélection et de discrimination des premiers principes qui seraient retenus dans ce que nous appelions à l’époque le système de Saine Gestion.
La revue de la littérature académique que nous faisons en seconde partie du chapitre de mon livre démontre que des écrits du domaine managérial faisaient tout de même état de la valeur de transparence, mais les auteurs la mentionnaient plutôt à titre d’élément facilitateur d’une bonne communication de gestion dans une organisation. Dans certains cas, la transparence était un ingrédient d’une recette composée de bonnes pratiques, le tout concocté par un chef d’entreprise à succès.
Au point de vue de l’obligation de transparence, c’est-à-dire d’une reddition de comptes transparente, complète et non biaisée envers celui qui délègue ses pouvoirs, peu de gestionnaires en prenaient véritablement conscience. Depuis lors, après les scandales d’Enron et autres de même acabit largement médiatisés, le terme transparence, à lui seul, est graduellement devenu l’unique synonyme d’intégrité. Avons-nous dépassé l’objectif ? La transparence est-elle devenue vraiment LE SEUL principe éthique de tous les métiers confondus ?
Le terme transparence utilisé tout azimut peut être préjudiciable, voire dangereux, ne serait-ce qu’en matière de sécurité de l’État, de l’organisation commerciale, de la propriété intellectuelle, de la recherche et développement industriels ou de la protection des informations personnelles. Sommes-nous en train de justifier un droit à l’inquisition au nom de la transparence ? Par ailleurs, pouvons-nous forcer toutes les instances gouvernementales à une complète transparence ? Est-ce à titre d’électeur, de journaliste, de mandant ou de voyeur que l’on nous doit de la transparence ? Comment appliquera-t-on cette transparence ? Quelles seront les actions concrètes à prendre ? C’est à toutes ces questions que nous tenterons de répondre dans la présente section qui porte sur le principe de transparence.
Transparence de la direction générale
L’affaire de la construction du complexe des sciences de l’UQAM est un bel exemple. Peut-on mentir au nom de l’éthique ? Peut-on mentir au nom de ce que l’on croit être la bonne décision ? Peut-on se substituer au pouvoir légitime parce que l’on croit détenir la vérité ? Au chapitre précédent, nous avons appelé homéostasie ce précepte qui fait que chacun des six principes ne doit jamais être invoqué au détriment des autres pour justifier un acte administratif, une décision ou l’absence de décision
L’histoire commence en septembre 2004. Certains membres de la direction générale de l’UQAM, chargés du suivi de la construction des travaux du pavillon Pierre-Dansereau entrepris un an plus tôt, sont confrontés à une réalité de dépassement budgétaire. Le budget de 129 millions ne pourra pas être respecté. Un document officiel préparé par le gérant de chantier démontrait à ce moment-là des dépassements de l’ordre de 11 millions. Finalement à l’automne 2005, le complexe des sciences aura coûté plus de 200 millions. En 2007, un rapport préparé par la firme comptable KPMG démontrera que dès le début des travaux, les responsables avaient été informés qu’il serait pratiquement impossible de respecter le budget initial.
Pour une raison ou pour une autre, ces dirigeants ont jugé qu’il valait mieux ne pas en faire état au conseil d’administration. L’imposant rapport comptable de la firme KPMG a démontré qu’entre 2003 et 2005, aucun document présenté aux membres du conseil d’administration sur les coûts de construction ne démontrait un écart au budget d’origine ou de la possibilité d’un écart budgétaire. Non seulement les dirigeants n’ont pas divulgué les documents pertinents au conseil d’administration, mais ils ont en plus fourni de l’information dans le but de faire prendre une décision différente que le conseil d’administration aurait peut-être prise s’il avait été saisi des véritables éléments de faits.
Qu’est-ce qui peut motiver des hauts dirigeants à manipuler, voire tronquer des informations pour un projet qui était somme toute un projet pour la communauté universitaire et pour le public.
En matière de Saine Gestion cependant, ce qui nous apparaît dangereux et manipulatoire sur le plan intellectuel, c’est de justifier un mensonge (transparence) pour un motif de continuité, apparemment à long terme pour l’organisation. Cette affaire du pavillon de l’université du Québec à Montréal constitue un bel exemple de justification d’actes administratifs douteux posés en vertu de principes qui ne sont pas intégrés les uns aux autres.
Cette affaire nous permet d’affirmer que sur cet aspect, la transparence d’un mandataire envers son mandant n’a aucune limite, l’information remise doit être complète et suffisante pour ne pas biaiser la prise de décision du mandant.
Transparence et politique, reddition de comptes et démocratie
La question de la transparence et de la gouvernance de l’État doit être traitée avec discernement. Il y a la transparence des politiciens, des hommes d’État, et de l’État en tant que protecteur de la nation, de son économie, de son territoire et de ses citoyens. Évidemment notre propos porte sur la transparence managériale, c’est-à-dire la transparence qui constitue le fondement de l’obligation du gestionnaire de rendre des comptes.
Dans cette optique, commençons par ce qui est plus simple. Les gestionnaires de l’État ont-ils une obligation de transparence, et si c’est le cas, envers qui ? Encore une fois nous devons préciser si nous parlons des gestionnaires élus ou des gestionnaires qui répondent aux élus. Cette réponse en matière de Saine Gestion est simple : les gestionnaires qui répondent aux élus, les fonctionnaires de l’État, ont sans aucune limite, une obligation de transparence envers les élus responsables des ministères, leur patron en démocratie.
Les gestionnaires que nous avons élus, nous doivent-ils, à nous simples électeurs, une transparence complète et absolue sur toutes les activités et programmes de l’État ? Il nous faut, à ce titre, distinguer le caractère élu du gestionnaire, ses responsabilités de ministre ou de député gestionnaire de l’État. Nous conviendrons, au-delà des règles de reddition de comptes, qu’il y a la notion de confidentialité et de respect d’informations classées, dont la diffusion à un moment inopportun pourrait porter préjudice à l’ensemble de la nation, à son économie, à son territoire et à ses citoyens. Mais convenons que c’est aussi l’origine des plus grands scandales !
Transparence et entreprise privée
L’obligation de transparence imposée par les PSGGR est, a priori, limitée à la relation managériale créée par le lien de confiance entre un mandataire et son mandant. En matière de Saine Gestion, l’aspect éthique de la transparence prend aussi une dimension importante et souhaitable mais demeure subordonnée au préjudice que pourrait avoir la diffusion publique, même restreinte, d’une information confidentielle.
Déontologie
L’utilisation du mot transparence pour réclamer la divulgation de n’importe quelle information à caractère privé est sur le plan moral tout à fait indéfendable, abusif et s’apparenterait à du voyeurisme. L’exigence de la transparence qui n’a pas sa raison d’être pourrait être contraire à la morale, à la déontologie professionnelle, à l’éthique au sens large, à la libre circulation des biens et à une saine compétition entre les entreprises.
Confidentialité
Sur le plan managérial, la confidentialité est le contraire de la valeur de transparence. La confidentialité est alors le caractère d’une information ou d’un fait dont le propriétaire de cette information, d’un document, ou de tout autre medium de communication, exige que ce ne soit pas divulgué ou diffusé. Le propriétaire de l’information est le mandant. Légitimement et légalement, le mandataire est lié par la confidentialité dont il est saisi et ne peut s’arroger le droit de diffuser l’information reçue au nom du principe de transparence.
Dans une approche de gouvernance traditionnelle, la communication d’information publique, c’est-à-dire à l’extérieur du cadre confidentiel de l’organisation, sera motivée par une obligation légale, à laquelle les entreprises se soumettent en général parce qu’elles n’ont pas le choix de faire autrement. Par exemple, les sociétés du domaine agroalimentaire qui sont encadrées par Santé Canada : la grippe aviaire, la listériose, la salmonelle, etc. sont étroitement surveillées. Dans le domaine pharmaceutique et des biotechnologies, il en est de même pour l’innocuité et l’efficacité des médicaments.
Autrement dit, la divulgation d’informations confidentielles devient une obligation de transparence lorsque la sécurité, la vie ou la santé des consommateurs peuvent être compromises. Il y a un lien de confiance qui ne doit pas être rompu entre le producteur et le consommateur.
Dans une société moderne, il est souhaitable que le public ou le consommateur saisisse toutes informations pertinentes qui pourraient avoir une influence sur ses choix de consommation : contenu et ingrédients, danger potentiel de consommation, etc. En général, les organisations se soumettent à ces obligations pour prévenir les poursuites, donc pour assurer la continuité de l’organisation.
Exiger cette transparence est juste et légitime. C’est le rôle des journalistes de dénicher les actes qui manifestement n’ont pas été posés en toute transparence. Ce qui complique le tout est lorsque nous voulons voir à tout prix. Voyeurisme ou Transparence ?
Bernard Brault F.Adm.A. F.CMC
11 commentaires
Que penser du rapport de le Transparency Institute sur la transparence juste publié? Comme la tranparence est votre principe, votre opinion est intéressante.
Mercie,
Klauss
Bonjour Monsieur Klauss
Je vous réfère à mon chapitre sur la Transparence que je viens de publier. Je crois que cela répondra davantage à votre question. Attention aux limites de la transparence. ! Pour le reste je crois avoir répondu par cet article.
Interesting news from http://www.transparency.org today about bribing. How good can Sound Management protect against bribing?
W. L.
Bonjour M. Brault,
Un article des plus intéressant sur la corruption vient d’être publié à Berlin aujourd’hui par le réputé Transparency International:
http://www.transparency.org/news_room/latest_news/press_releases/2010/2010_12_09_gcb2010_fr
Selon ce rapport du Baromètre mondial de la corruption, 6 personnes sur 10 dans le monde jugent que la corruption a augmenté au cours des 3 dernières années. De plus, et c’est ce qui est paniquant, une personne sur 4 aurait payé des pots-de-vin au cours de la dernière année!
Il est temps de faire connaître votre outil auprès de l’ONU et du Transparency International!!! Bonne chance vous et votre équipe et merci pour ce superbe site!
Julien
Merci de vos encouragements. Nous avons cependant besoin de vous pour faire connaitre le concept. Depuis 20 ans que je travaille sur ce concept et ses applications pratiques, je dois dire d’une part que nul n’est prophète en son pays et qu’ensuite tout le monde attend que les autres commencent. Sans compter comme vous dites qu’une personne sur quatre à tout intérêt à peser sur les freins et pousser en dérision notre concept. Très peu de gens acceptent de lire 400 pages avant de porter un jugement.
I am interested in fighting corruption through transparency. How can I start applying « sound management » in order to achieve this?
You should contact Transparency International… They will help you promote your tool worldwide if it is as good as you seem to describe it.
Tim
Suite à la publication de l’horrifiant rapport du Transparency International, je suis TRES intéressée par votre concept de Saine Gestion. Merci d’indiquer la marche à suivre pour une implantation outremer.
Laurence
Avez-vous lu le rapport du celebre Institute Transparency International sur le corruption? Je viens de decouvrir votre site et je pense que vous avez une reponse a toute les peuples de la terre. Est-ce que saine gestion est gratuit pour toute les peuples ou seulement pour peuple Canadian?
Morgan
De la Transparence
(Stay tuned English translation is coming !)
@ Rudy, Morgan, Laurence, Amelinda and Tim.
Bonjour à tous,
Transparency International démontre officiellement ce que tout le monde sait depuis longtemps. La corruption existe…. Cependant, il faut savoir qu’elle s’installe par un laxisme managérial, par un manque de contrôle peut-être stratégique, par un manque de coordination, par des lois absurdes et contradictoires, par des juristes préférant une justice approximative ou minimale et par un manque de bonne volonté des gouvernants et gestionnaires.
Par contre, il est vrai que l’on ne peut tout de même pas tout criminaliser et jeter 25 % de la population mondiale en prison ! Il faut de la bonne volonté, table rase et on recommence.
Mais ce qui est surtout une bonne nouvelle, c’est que s’il y a une personne sur quatre qui est malhonnête selon Transparency International, il en reste trois autres, c’est-à-dire 75 % de la population qui serait encline à exiger une obligation de Saine Gestion des biens publics ! Ça fait bien des millions, voire des milliards de gens honnêtes, mais souvent pauvres, sur cette petite planète.
Application du cadre de Saine Gestion au niveau local ou international
La matrice du Cadre de Saine Gestion s’applique autant pour des entreprises privées, gouvernementales, institutions, ministères, organismes internationaux. Le CDSG de l’ISG est une matrice, un grand classeur permettant d’appliquer une Saine Gestion sans oublier l’application des autres concepts. Le CDSG est un concept INTÉGRATEUR et UNIVERSEL auto-adaptable aux réalités de chaque organisme et de chaque culture.
Il n’y a pas que le principe de Transparence !
Le problème de la corruption et de la mauvaise gestion est complexe. À problème complexe, il n’y aura pas de solution simple. Saine Gestion implique l’application de ses six principes dans la matrice dont celui de la Transparence, qui n’est pas plus important que ceux de la Continuité, de l’Efficience, de l’Équilibre, de l’Équité et de l’Abnégation.
Nous parlons ici d’homéostasie des valeurs qui fait en sorte qu’un principe de Saine Gestion ne puit être invoqué au détriment des autres principes. Ceci exige une grande discipline et une rigueur intellectuelle qui exclut toute tentative d’échappatoire.
J’ai déjà dit que Saine Gestion à un petit défaut ….
Saine Gestion est allergique à la malversation, au copinage, aux conflits d’intérêts, aux mégalomanes, narcissiques et psychopathes organisationnels, aux scélérats, flibustiers, malfrats, forbans, tricheurs, pervers, et autres personnages lugubres qui rôdent dans certaines de nos sociétés publiques et privées. Mais ça, je n’y peux rien.
Cette allergie ne peut être soignée.
Je comprends maintenant pourquoi autant de gens autour de nous (une sur quatre) tentent par tous les moyens de nous discréditer !
Je vous suggère de lire les articles suivants sur ce site : ( also in english )
La résistance au concept (The decision-makers’ resistance to the Sound Management concept – an explanation)
Trois outils ( 3 tools)
Sans obligation de Saine Gestion ( Without Sound Management Obligation )
Le cadre de Saine Gestion ( The sound Management Framework )
On Transparency
( english translation )
@ Rudy, Morgan, Laurence, Amelinda and Tim.
Hi everybody,
Transparency International proves officially what everybody has known for a long time. Corruption still exists…Nevertheless, we must be aware that it has settled among us because of a managerial permissiveness, of a lack of control, maybe strategic, a lack of coordination, of the existence of absurd and contradictory rules, of some legal experts adepts of an approximate or minimal justice, and also because of a lack of good will on behalf of the managers and directors.
On the other hand, it’s true that we can’t criminalize everybody and put 25% of the world population in jail! With some good will, tabula rasa, and we start all over again.
But the good news is that, according to Transparency International, 1 person out of 4 is dishonest, i.e. 75% of the population in general would be inclined to expect an obligation for a Sound Management of the public assets! This results in millions and billions of honest people, but often poor people, throughout this small planet.
Implementing the Sound Management framework at a local and international scale
The Sound Management matrix is to be applied in the private, governmental organizations, institutions, ministries, and international organizations. The SMF of the ISM is a matrix allowing the implementation of the Sound Management without forgetting the implementation of other concepts. The SMF is an INTEGRATING and UNIVERSEL concept, self-adapting to each organization’s reality and culture.
There are other principles besides Transparency!
The problem of corruption and bad management is a complex one. And a complex problem will never have a simple answer. Sound Management implies fusing within the matrix the 6 Sound Management principles, among which the Transparency that is not more important than the Continuity, Efficiency, Balance, Fairness, and Abnegation principles.
We’re making reference here to the homeostasis of values, according to which no Sound Management principle can be referred to the disadvantage of the other principles. This requires a good intellectual discipline and thoroughness, which excludes any risk of loopholing.
Sound Management has a small flaw …
Sound Management is allergic to embezzlement, cronyism, conflicts of interest, megalomaniacs, narcissistic persons, and organizational psychopaths, villains, buccaneers, crooks, convicts, cheaters, perverts, and other gloomy characters prowling in our public and private organizations. But I can’t do anything about it.
This allergy can’t be healed.
I understand now why people around us (one out of four) do their best to impeach our credibility!
I suggest you should read the following articles on this site :
( also in english )
La résistance au concept (The decision-makers’ resistance to the Sound Management concept – an explanation)
Trois outils ( 3 tools)
Sans obligation de Saine Gestion ( Without Sound Management Obligation )
Le cadre de Saine Gestion ( The sound Management Framework )
J’adore votre site ! La Saine Gestion est devenue une necessité dans la gestion de tous les jours. Contre la corruption grâce à la Saine Gestion ! ! !
Juan Carlos