Vous avez dit « Efficience » ?

Écrit par Bernard Brault le 10/05/2011

Efficience d'une organisation

C’est ce que nous rêvons tous ! Entre les obligations de la vie quotidienne, la performance au travail, la qualité professionnelle, l’entretien et les réparations à la résidence, sans oublier la pelouse, puis il faut aussi reconduire les enfants à la garderie le matin, les aider à faire leurs devoirs avant le repas du soir, leur pratique du sport les fins de semaine. La vie familiale est devenue une véritable entreprise où la planification de logistique devient une exigence sans laquelle l’échec est prévisible.

L’EFFICIENCE, c’est-à-dire cette espèce d’équilibre précaire entre l’efficacité et le prix, disons le coût de l’efficacité, qu’il soit humain ou financier. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour atteindre nos objectifs ? Quel sacrifice      devient acceptable au regard d’un objectif, d’un rêve ?

EFFICIENCE à titre de principe fondamental ?

Bien sûr, parce que les organisations ont une mission, des objectifs et une raison d’exister, et que l’EFFICIENCE devient la clé de voûte de l’organisation, la clé de voûte de l’existence de cette organisation. Contrairement à une famille ou à un groupe de personnes vivant ensemble, une organisation est délibérément créée pour atteindre des objectifs et les adhérents y acceptent l’autorité et la hiérarchie dans le but de remplir la mission de l’organisation.

L’EFFICIENCE est le principe qui assure le fonctionnement des opérations, l’exploitation des ressources de l’organisation, la quantification des résultats. L’EFFICIENCE est en équilibre constant entre l’atteinte des objectifs et les moyens choisis par les décideurs pour y parvenir. Est-ce que tous les coups sont permis ?

Quel rapport avec une gestion « saine » ?

Saine Gestion, ce n’est pas uniquement une question de transparence, d’équité, de continuité et d’éthique. Le principe d’EFFICIENCE nous rappelle qu’une organisation doit atteindre un niveau de performance proportionnel aux objectifs de sa mission. Faire face aux enjeux, c’est-à-dire les opportunités à saisir et les dangers immédiats que l’entreprise ou l’organisation rencontrera.

Le choix des moyens peut être confondu avec les intérêts personnels. Eh oui ! tous les principes de Saine Gestion sont intimement liés dans leur application. Le conflit d’intérêts, l’inconscience de l’abnégation, peuvent parfois amener une confusion entre l’objectif recherché et l’ambition personnelle. Parce que la gestion est d’abord une question humaine, exécutée par des humains pour des objectifs qui doivent demeurer humains, l’EFFICIENCE est un principe de gestion hybride qui doit allier l’efficacité et l’économie des moyens, parce que toutes les ressources sont limitées, surtout celles des autres !

Assujettir l’acte administratif au principe d’EFFICIENCE, c’est-à-dire les décisions de tous les gestionnaires, des administrateurs de sociétés jusqu’au contremaître, à une obligation de démontrer cet état réfléchi entre l’efficacité et l’économie est l’essence même d’une Saine Gestion ou de ce que je n’oserais pas dire trop fort, de gros bon sens !

Voici ce que nous disent les PSGGR au chapitre 2 de l’OAAQ:

2.4 (1)  «Efficience» : Qualité qui allie les caractères d’efficacité, c’est-à-dire l’atteinte des résultats et d’économie des ressources dans l’acte administratif. L’administrateur est efficient s’il obtient un rendement optimal tout en maintenant une utilisation minimale des ressources.

Pour interpréter ce paragraphe des PSGGR , je me permets ici de citer un petit extrait de mon livre(1) :

(…) La comptabilité et ses conventions d’analyse et de présentation établissent généralement la mesure objective de l’EFFICIENCE. Le système d’information comptable est le câblage qui relie l’information brute au tableau de bord du pilote. L’entrepreneur et le gestionnaire modernes ne naviguent plus « à l’estime ». L’information comptable est donc l’outil de base qui permet à l’administrateur-décideur d’interpréter et de remplir son rôle et à l’administrateur-cadre d’établir des mesures de contrôle efficaces.

Mais la comptabilité n’est pas l’unique outil puisque le patrimoine comprend un certain nombre d’éléments intangibles. L’atteinte d’objectifs quantifiables au détriment de ressources non quantifiables est contraire à l’esprit du principe d’EFFICIENCE. Il serait aussi inconcevable en matière de Saine Gestion qu’un mandataire, pour un objectif donné, sacrifie des ressources de savoir technologique comme des ressources financières sans chercher une économie systématique. Évidemment la mesure de l’économie de la première est plus facile à évaluer que la seconde.

En d’autres termes, l’administrateur doit viser les objectifs ou même les dépasser en utilisant les ressources le moins possible. Il ne faut pas confondre avec l’expression « faire plus avec moins » parce qu’elle ne confère pas la nécessité d’atteindre les objectifs et pourrait laisser croire à une certaine démotivation des décideurs.

2.4 (2) Conscient que toute ressource est limitée, l’administrateur dans l’exercice de ses fonctions doit chercher systématiquement, avec diligence et au meilleur de ses connaissances, à utiliser au minimum les ressources qui lui sont confiées pour atteindre les résultats optimums anticipés.

2.4 (3)  L’absence flagrante de cette recherche systématique de l’économie des ressources constitue une négligence, une faute qui porte préjudice aux commettants, c’est-à-dire ceux qui ont confié le soin de gérer leurs ressources.

2.4 (4) En outre, l’utilisation efficace des ressources ne doit pas se faire au détriment ni au préjudice indu de tiers ou de préposés, par exemple quant à la qualité de vie et au respect de l’environnement.

2.4 (5) Être efficace est une qualité essentielle de l’administrateur. Être efficace et économique sont des attributs de la saine gestion.

Quelques notes pour ne pas confondre les concepts

En tant que concept du management, l’EFFICIENCE est sans doute le plus discuté dans la littérature. La plupart des chercheurs du 20e siècle se sont penchés à un moment ou à un autre sur son interprétation et surtout sur la perception qu’en avaient les gestionnaires. Plus souvent qu’autrement perçue dans le sens d’efficacité, l’EFFICIENCE semblait surtout vouloir dire « en avoir le plus possible pour son argent ». Herbert Simon définissait vers la fin des années 50 le critère de l’EFFICIENCE comme étant « le choix entre diverses options produisant le meilleur résultat possible pour l’application de possibilités données. (2)

À cette époque, l’école de pensée était orientée vers le maximum dans tout. Être les plus forts, avoir la meilleure croissance, le meilleur produit. Mais à quel coût ? Ici, il faut comprendre que le coût n’est pas uniquement quelque chose de quantifiable au sens comptable.

C’est sans doute Henry Mintzberg qui a le mieux décrit cette situation paradoxale. Comme le concept d’EFFICIENCE comprend à la fois l’efficacité et un concept de ressource limitée, il démontre graduellement que « la racine du problème ne se trouve pas dans la définition du concept lui-même, mais dans la façon dont cette définition est inévitablement mise en œuvre ».(3) Le principe de Saine Gestion d’EFFICIENCE ne sera alors pas uniquement un équilibre coût/bénéfice au sens comptable, mais devra tenir compte des autres types de ressources qui peuvent s’épuiser et représenter un prix à moyen ou long terme pour l’organisation.

Pendant longtemps et encore aujourd’hui, on a cru que l’efficacité était la seule qualité d’une organisation puisque le seul moyen d’atteindre des objectifs était tout simplement de diviser le travail et d’accélérer la cadence.

Cependant, dans la littérature récente des sciences de la gestion, on trouve de plus en plus cette réflexion sur le sens du terme EFFICIENCE en remplacement de celui d’efficacité. Cette tendance est peut-être venue de la reconnaissance du mot anglais efficience dans Le Robert qui ajoute maintenant le sens d’économie à celui de l’efficacité.

En bref : En matière de Saine Gestion le principe d’EFICIENCE réfère aux éléments suivants :

Efficacité : La notion d’efficacité renvoie évidemment à la mission de l’organisation et à ses objectifs planifiés. Le rendement sur l’investissement, la rentabilité, la croissance des affaires et les services rendus font partie de la mission des organisations. L’efficacité est tributaire de l’énergie qui est mise à contribution et passe nécessairement par la recherche de moyens pour atteindre des objectifs.

Selon les gestionnaires, être efficace, c’est être le plus gros vendeur, le plus rapide sur la livraison, le plus important manufacturier. En fait, tout cela peut s’expliquer par la volonté de désirer plus de pouvoir. Mais un gestionnaire, incluant ces administrateurs de sociétés, sont, rappelons-le, les mandataires ou les fiduciaires du patrimoine de l’organisation. C’est donc lors du choix des moyens qu’ils CHOISIRONT qu’entre en jeu le principe d’EFFICIENCE.

Économie : La notion d’économie concerne les choix rationnels des moyens à utiliser pour être efficace et ainsi atteindre les objectifs attendus. En matière de Saine Gestion, la fin ne justifie pas les moyens.

Conclusion

Les six principes de la Saine Gestion sont intimement liés dans l’aspect homéostasie que représente la matrice de Saine Gestion. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas qu’un seul principe qui s’applique à la fois et qu’aucun principe ne peut être appliqué au détriment des autres principes. C’est le paradoxe de la gestion, peut importe sous quel chapeau les experts veulent bien l’exprimer. Ce paradoxe se résous plus facilement lorsqu’il est analysé par le modèle à élément fini qu’offre Saine Gestion

______________________________________________

(1) BRAULT, Bernard, Exercer la Saine Gestion, Montréal, CCH,  2010

(2) SIMON, Herbert A., Administrative Behaviour, a study of a decision-making processes in administration, 2e éd., New York, Macmillan, 1957, p. 179.

(3) MINTZBERG, Henry, Le management voyage au centre des organisations, Paris, Les éditions d’organisation, 1998, p. 480.


2 commentaires

par C Leduc le 05/11/2011

En général la pression est de plus en plus forte pour l’efficacité, et concilier travail, famille et vie personnelle devient un coût hors de proportion . Certain diront que l’on se plaint pour rien !

par Bernard Brault le 05/11/2011

Monsieur Leduc, c’est pour ça que le principe d’efficience a été inséré dans la matrice. Sans efficacité aucune organisation ne peut fonctionner! Mais sans ressource humaine non plus !

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