Élection Québec 2014. Un débat stérile sur la gestion de l’état ?

Écrit par Bernard Brault le 28/03/2014

 

L’ISG propose 4 suggestions de bonne gestion. Une à chacun des candidats

La « bonne gestion » était dans la bouche de tous les candidats en ce second et dernier débat qui à eu lieu ce jeudi 28 mars. Notons le soin particulier qu’ils ont pris pour ne pas utiliser le terme consacré mais plus engageant de « saine » avec gestion ou gouvernance. Convenons ensemble que le fait d’utiliser les termes « bonne » ou « saine » associés avec les mots « gestion ou gouvernance » ne devrait pas avoir vraiment de l’importance, puisqu’il devrait démontrer une volonté de distinguer les mauvaises pratiques ou les habitudes ouvrant la porte à la malversation par rapport à de meilleures pratiques de gestion.

Une seule question : Quelles sont ces meilleures pratiques ?

Aucun candidat n’a répondu ou ne peut ou ne veut vraiment y répondre. Même M. Legault, qui aurait dû être dans son élément, ne pouvait apporter d’autre terme que « coupure, mise à pied de gestionnaire, et dissolution de structure inutile ». Il semble que nous, pauvres gens du peuple, soyons vraiment incapables de comprendre la complexité de la gouvernance. De ce faire dire « bonne » semble suffisant pour nous engourdir !

Pendant cette période électorale au Québec, nous devons rappeler que Saine Gestion, n’est politiquement ni de gauche ni de droite. L’idéologie politique, dans la mesure où elle s’exerce dans un cadre démocratique, n’est pas l’objet de notre mandat. Cependant, notre préoccupation demeure la gestion et les moyens que promettent les candidats pour assurer une saine gestion de l’état. Dans ce cadre nous proposons des suggestions de « bonne » gestion puisque vous préférez le terme. 

Dialogue de sourd : un débat stérile ?

Qu’est-ce qui distingue la bonne gestion de la mauvaise ? Rien, tout simplement rien, s’il n’y a pas une certaine forme d’explication des concepts de bon et de mauvais. Il faut donc définir ce que l’on entend par «bonne». Mieux ce n’est pas pire ! Mais encore ? Voulez-vous parler d’économie budgétaire, d’efficacité, d’honnêteté, de rendement, de reddition de compte, d’imputabilité de l’acte administratif, de procédurite aigue, de bureaucratie, d’abus de pouvoir, de rapport tronqué, et d’éthique à géométrie variable ?

En proposant le mot « saine » associé à la gestion, nous avons simplement entrepris il y a 25 ans de définir et de distinguer la bonne gestion de la mauvaise. Évidemment, il n’y a pas qu’une seule façon de définir la bonne gestion. Mais en réalité il n’y a pas d’autres propositions aussi structurées et fonctionnelles que celles du Concept de Saine Gestion. C’est gratuit… pourquoi ne pas s’en inspirer ?

Tant que l’on ne s’entendra pas sur les définitions, la gestion demeurera un langage tribal ou chacun interprétera les concepts à sa façon. Le débat demeurera stérile dans une assourdissante  absence de dialogue.

Propositions de l’Institut de Saine Gestion

Nous proposons, en plus du principe de Transparence, d’associer au mot Bonne Gestion les principes de Continuité, d’Efficience, d’Équilibre, d’Équité, et  d’Abnégation. En toute humilité, et sans prétention nous offrons un peu de vocabulaire pour éclaircir l’obscurantisme des propos portant sur la bonne gestion.

Proposition no 1 : Dr Philippe Couillard

L’abnégation : Votre profession vous a induit naturellement cette valeur. Il faut en utiliser la puissance pour parler de la gestion dans la fonction publique, chez les élus et les gestionnaires des  municipalités,  et des contrats publics. L’abnégation est ce principe qui sous-tend la notion de conflit d’intérêt. La Transparence est une valeur qui favorise la mise en lumière de conflit réel ou potentiel, mais elle a ses limites. Vous pourriez associer aisément les règles de l’art du gestionnaire soit, planifier, organiser, diriger, contrôler et coordonner avec celles de l’abnégation.

En matière de Saine Gestion, il faut inculquer et mettre en place une culture où il y a subordination de nos intérêts personnels envers ceux de l’organisation. Sans devenir mère Teresa, il faut admettre que la culture nombriliste de notre société actuelle aurait besoin d’être encadrée un peu plus.

Vous pourriez proposer cette culture noble et sans s’y limiter pour les Universités, hôpitaux, CHSLD, ministères et société d’État.

Direction et Abnégation

L’introduction de l’abnégation dans l’exercice de la direction et du pouvoir est, encore aujourd’hui, probablement l’une des plus difficiles mais importantes combinaisons. Parce que « direction » et « omnipotence » vont souvent de pair, il devient absolument primordial que les dirigeants acquièrent cette capacité d’adopter un comportement personnel qui démontre ces notions d’abnégation, de distance ou de subordination entre leurs intérêts personnels et ceux de l’organisation qu’ils gèrent pour éviter le conflit d’intérêts. La prochaine génération de dirigeants aura peut être plus de facilité à le concevoir.

Les thèmes principaux qui peuvent être abordés par cette combinaison portent sur les éléments suivants :

      • Avantages indus et autorité;
      • Notion d’intérêts personnels;
      • Notions de divulgation et d’éthique;
      • Notion de cadeaux.

Le paragraphe 4.4.13 (2) des PSGGR de l’OAAQ porte sur la question des avantages indus et de l’autorité, stipule :

4.4.13 (2) L’administrateur qui agit en personne raisonnable et prudente n’utilisera pas son pouvoir pour obtenir directement ou indirectement des avantages au détriment de l’entreprise ou de l’organisation.

Contrôle et abnégation

L’introduction de l’abnégation avec la fonction de contrôle rappelle plusieurs obligations de suivi et de vérification en matière de conflit d’intérêts. Il ne suffit pas d’avoir des politiques et des directives, il faut s’assurer que les administrateurs dirigeants et tous les membres de l’organisation s’y conforment scrupuleusement.

Le Compendium des PSGGR précise dès le départ qu’un exercice du contrôle ne doit pas être entrepris par une personne qui est, elle-même, en situation de conflit potentiel ou réel. Le paragraphe 4.5.5 (2) stipule que :

4.5.5 (2) L’administrateur doit, dans le respect du principe d’abnégation, faire en sorte qu’une démarche de vérification lui évite d’être placé dans une situation potentielle ou réelle de conflit entre ses propres intérêts et ceux de l’organisation qu’il est chargé de gérer.

Proposition no 2 : Monsieur François Legault

L’efficience : Votre expérience d’entrepreneur vous porte à gérer l’économie des moyens en assurant l’efficacité des résultats. Il faut l’exprimer de façon tout aussi efficace par des moyens concrets pour la fonction publique, toujours en associant les fonctions de gestion à l’efficience.

L’introduction de l’efficience avec la fonction de coordination ou de celle de la direction rappelle aux gestionnaires qu’ils doivent prendre les moyens qu’ils jugent appropriés pour synchroniser les efforts entre les différents intervenants, services, et responsables de secteurs.

Les thèmes principaux qui sont touchés par cette combinaison impliquent une obligation de moyens pour coordonner les efforts relatifs à :

      • La réduction des structures et processus inutiles,
      • L’utilisation rationnelle des ressources financières;
      • L’utilisation rationnelle des ressources humaines;
      • L’achat de biens et services, l’évaluation du juste et du nécessaire des requêtes de dépenses;
      • La recherche d’alternative

L’obligation de moyens est liée, sur le plan juri-administratif, aux paragraphes 2.4 (2) et (3) du Compendium des PSGGR :

2.4 (2) Conscient que toute ressource est limitée, l’administrateur dans l’exercice de ses fonctions doit chercher systématiquement, avec diligence et au meilleur de ses connaissances, à utiliser au minimum les ressources qui lui sont confiées pour atteindre les résultats optimums anticipés.

2.4 (3) L’absence flagrante de cette recherche systématique de l’économie des ressources constitue une négligence, une faute qui porte préjudice aux commettants, c’est-à-dire ceux qui ont confié le soin de gérer leurs ressources.

Proposition no 3 : Madame Françoise David

L’Équité : l’Équité sociale bien-sûr. Mais en associant cette valeur à titre de principe appliqué aux actes de la gestion, vous trouverez un outil puissant pour décrire le climat nécessaire au bon fonctionnement des organisations, aux outils pour contrer le harcèlement et les abus de pouvoir qui sclérosent souvent la bureaucratie.

En matière de Saine Gestion, planifier, organiser, diriger, contrôler et coordonner, en tenant compte de l’équité, assurent aussi une forme de justice naturelle dans l’emploi.

Direction et équité

L’introduction de l’équité dans l’exercice de la direction implique une volonté de la part des dirigeants des organisations publiques d’établir un climat de travail qui incite à la justice naturelle. L’équité est aussi largement encadrée par les Chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Il importe de rappeler ici que l’exercice du pouvoir fait appel au principe d’équilibre dans l’application, en particulier, de ce principe d’équité.

Les thèmes principaux qui sont touchés par cette combinaison portent sur les éléments suivants :

      • Application ou développement des politiques d’équité de l’organisation;
      • Assurer un climat de travail exempt de harcèlement et d’intimidation.

Le paragraphe 4.12 (1) des PSGGR de l’OAAQ rappelle l’obligation du gestionnaire en matière d’équité :

4.12 (1) L’administrateur de l’organisation a la responsabilité de s’assurer du respect du principe d’équité. Il doit donc faire en sorte que chaque membre de son organisation soit traité de façon juste et équitable.

Proposition no 4 : Madame Pauline Marois

L’Équilibre et la Continuité : Gérer c’est faire des choix. Les choix politiques relèvent de l’idéologie, la bonne gestion relève des choix mais aussi des outils et de la philosophie  de gestion. Une saine Gestion assure qu’un gestionnaire assume la responsabilité des actes qu’il pose, soit dans la planification, l’organisation, la direction, le contrôle et la coordination des objectifs de son mandat.  S’il faut réorganiser la fonction publique, il faudra procéder avec équilibre sans altérer la continuité des services. Il faudra aussi exiger de la gouvernance et des gestionnaires d’adhérer à ces valeurs dans leur approche managériale.

Vous auriez, madame, avec Saine Gestion toute la puissance du vocabulaire pour faire performer la machine étatique. Citons par exemple :

Direction dans la fonction publique et parapublique

Pour entreprendre toute réorganisation des structures managériales, il faut d’abord statuer sur l’existence de l’acte administratif, de sa définition et de son imputabilité. Selon L’ISG et les PSGGR de l’OAAQ, la direction est une fonction de gestion dont les actes sont posés pour décider, c’est-à-dire pour trancher entre plusieurs possibilités et ultimement porter la responsabilité de cette décision. L’acte de décision se manifeste aussi bien par une action, un geste, qu’une inaction.

Direction et Équilibre

L’introduction de l’équilibre dans le processus de direction implique la recherche d’un équilibre, dans l’exercice du pouvoir décisionnel, dans la responsabilisation de l’acte, dans la répartition du pouvoir (poids et contrepoids). Les thèmes principaux qui sont touchés par cette combinaison portent sur les éléments suivants :

      • Équilibre entre risque et prudence;
      • Équilibre dans l’exercice de la direction;
      • Choix de moyens en adéquation avec les résultats attendus et réalistes.

Direction et continuité des services publiques

Exiger la continuité dans le processus de direction implique de la part du décideur une vision à long terme des gestes posés à court terme. Cette vision assure la pérennité de la mission de l’organisation, de son administration, par une volonté de décider, de négocier et d’agir.

Les thèmes principaux qui sont touchés par cette combinaison portent sur les éléments suivants:

      • Passation des pouvoirs et formation de la relève;
      • Gouvernance en fonction de la pérennité de l’organisation.
      • Prévention de l’interruption des activités
      • Mise en place de plan de contingence (Urgence)

Saine ou Bonne Gestion ?

À tous les candidats : Sachez qu’en matière de Saine Gestion le fondement du concept est basé sur l’homéostasie de tous les principes de Saine Gestion. L’Idée générale est de gérer ou de faire gérer en responsabilisant les décideurs et en n’invoquant jamais un principe au détriment d’un autre principe. Par exemple, on ne pourrait invoquer le principe de Continuité au détriment du principe d’Abnégation.

Personne dit que gérer c’est facile. Déjà, tendre vers une gestion plus saine serait un espoir de voir repousser les frontières de l’incurie et de la malversation. À vous d’accaparer de ce vocabulaire.


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